lundi 26 juillet 2010

être goéland


J’ai vu la mer aujourd’hui
Pas celle où tu te baignes
Celle qui te contemple

La mer miroir, la mer mère
Celle qui t’emplit d’amertume
Le visage de ton humanité perdue

J’ai regardé la mer et c’est qui me regardait
J’étais une vague qui se soumettait encore aujourd’hui
Et qui rêvait d’être un goéland sans savoir…

Je voulais voir au-delà d’elle
Je voulais voir le monde
L’endroit où les rails se rejoindront

Elle immense et moi insignifiant
Qui crois la connaître, l’aimer
Et qui la foule comme si je dominais une femme

Elle mémoire de tous les mondes
Moi, mémoire d’un bout de vie
Qui bientôt sera, aura été

Elle d’une patience infinie
Et moi, moi fou comme un matin d’été
Moi qui crois avoir aimé

mercredi 21 juillet 2010

Mu

J'aimerais être plus proche de "Mu"
Un état où les choses ne sont pas rangées
Dans les tiroirs imperméables de la raison.

Le "Mu" de la porte me dit ceci:
Une porte peut être ni ouverte ni fermée
Il existe un état dans lequel la porte est autre chose.

J'ai peints une porte sur un mur
J'ai posé une porte sur l'herbe d'un champ
S'ouvriraient-elle un jour sans n'avoir jamais été fermées?

Je me suis représenté mon sommeil, suspendu
Entre deux mondes, ni conscient ni inconscient
Et me suis demandé: pourquoi tu te réveilles? (et quand je dis "tu" ici, c'est de toi que je parle)

Le sommeil est-il l'état de "Mu" des êtres vivants?
Regarde ton chat, ton chien, ton bébé s'agiter
Sous l'effet de forces obscures, vivre ailleurs en étant présent?

Je ne crois pas - le sommeil est ce qui est le plus proche de toi
Il répond (ou pas) tes interrogations et exorcise tes peurs
En un langage dont on a perdu l'usage, mais il te parle n'en doute pas.

"Mu" est ce que je vois dans les rues, une suspension de l'âme
Un hors-de-soi rendu nécessaire par le bruit, la misère,
Le ruban gris à la surface duquel tu fais vivre ton humanité.

C'est ce que je crois mais ce n'est que le vent qui parle,
Comment puis-je imaginer une porte ni ouverte ni fermée
Autrement que par l'abstraction des mots?


dimanche 18 juillet 2010

Nocturne / 2


Il est pâle, grand, maigre. Aucune trace de volonté
Ses yeux ne te disent rien, ils sont un abîme
Rien ne s'y allume, rien ne s'y reflète

Je l'ai entendu s'approcher, comme parfois
Je me couche sur le côté, lui fait une voie royale
Au milieu de mes draps tâchés de sueur et de pisse

Et comme les autres fois, il passe sans hésiter ni ralentir
Ni attiré par l'odeur de ma peur, ni appelé par mes délires
Il allait ailleurs et m'avait trouvé sur sa route

Je m'attendais pas à ça, à quelque chose comme ça,
Pas à un cheval qui ressemble à un matin d'été,
Qui parcours son monde et te trouve parfois par hasard

Il te faut toujours imaginer une intention, un plan, une raison
Et si il n'y a pas de raison, du moins quelque chose qui le confirme
Comme la perte d'une maison, comme une dent qui se gâte

Une maison tombe à la rivière, une famille entière perd tout
Un jeu de carte dont toutes les cartes sont blanches
Ou uns femme qui fait naître du feu dans ses mains

Toutes choses que je, tu, il, elle, pouvons regarder
Une maison est une famille, une rivière mène à la mer
Un magicien, une sorcière, tous ayant un sens et une direction

Mais un cheval aveugle qui ne te cherche pas?

jeudi 15 juillet 2010

Nocturne - la lutte


- Tu dors?
- Non
- ...
- ...
- Tu ne veux pas me raconter ce qui se passe?
- Si, mais c'est tellement stupide... Je ne sais pas trop par où commencer.
- Par la Bosnie, mieux vaut commencer par le début, tu ne crois pas?
- ...
- Alors? C'est à cause de ce que tu as vu là-bas?
- Tu étais à peine une gosse, tu devais avoir 5 ans, tu ne comprendras jamais.
- J'existais, tu ne me connaissais pas encore, mais j'existais et je m'en souviens aussi.

- C'est ce village, tu sais nous étions arrivés la veille, des amis et moi, et je regardais le paysage. On était près de Zenica, en Bosnie centrale, et il y a avait les montagnes tout autour...
- ... et votre hôte est venu à côté de toi pour regarder le paysage calme...
- ... et il m'a dit "ma femme se tenait exactement à cet endroit quand ils l'ont tué". Ils avaient lancé une grenade, elle avait été tuée sur le coup et lui était un miraculé. Il disait cela tellement naturellement. Il disait qu'il était possible que les meurtriers étaient ses voisins qui vivaient de l'autre côté de la rivière. Et moi j'écoutais le murmure de l'eau paisible et je ne comprenais pas.

- Et puis il avait ce gosse aux jambes paralysées.
- Oui. Deux ou trois jours plus tard, dans la maison d'un autre membre de la famille.
- Et son père...
- ... il avait la gangrène, ses mains et ses pieds étaient des moignons. Des bouts de doigts y restaient accrochés, il disait que parfois quand la douleur était trop forte il en venait à s'arracher lui-même les morceaux qui pourrissaient. Il avait fait de la contrebande pendant la guerre. Entre les serbes, les bosniaques et les croates ça s'arrêtait de se tirer dessus pour échanger ou acheter des cigarettes. Un jour il s'est sans doute égratigné, l'infection s'est propagée. Pas de médicaments. Il est mort à présent. Le pire...
- ... c'est ce bâtiment? C'est à ce bâtiment que tu penses encore?
- Oui, un immeuble d'habitation. Dans un bled, toujours dans le même coin. Un grand immeuble d'une dizaine d'étages. Un obus s'était abattu au pied du bâtiment et ses débris avaient creusé la paroi extérieure. Ça faisait comme une énorme éclaboussure de peinture sur la façade. Une éclaboussure d'acide qui aurait rongé les murs. Je ne sais pas pourquoi mais c'est cela qui m'a le plus terrifié.
- Et tu y penses encore aujourd'hui?
- Oui, tu le sais bien.

- Mais c'est le même monde qui t'offre une île douce, avec les marées, le miracle quotidien de la vie. C'est le même monde dans lequel tu bois pour oublier, pour faire la fête. C'est dans ce monde-ci que tu aimes, que tu respires, que tu admires des choses aussi insignifiantes que la marche des fourmis.
- Je ne sais pas si c'est le même monde.
- Bien sûr que si.
- C'est bizarre...
- Quoi?
- Tu n'existes pas et c'est toi qui me parle de la réalité du monde.

- J'existe un peu tu sais, même si je n'existe que dans ton imagination. Je suis une petite part de toi-même, une petite voix d'humanité en toi.
- Shimsal?
- Oui, Shimsal. Ton Shangri-La, ton palais des merveilles, ton utopie d'un monde beau.
- ...
- Et si tu te réveillais maintenant?
- ...

mercredi 14 juillet 2010

Un jour, une nuit, et encore un autre jour


Pour ce voyage, un bout de route qui restera dans ton cœur,
Il te faut quitter Orense vers l'Est et remonter les villages
File de perles, peuplées de vielles femmes fières

Tu longes les anciens greniers à céréales
Petites maisons perchées sur quatre tours
Un disque de granit, des planches trouées, un filet

Un chien galeux aboie, te menace de trois dents gâtées
Squelette pelé, suintant de bave, de brume, de blessures
Les ruisseaux de boues dans lesquels tu t'enfonces

Une boîte de sardine, un berlingot de leche Pascual,
Un morceau de pain, quelques allumettes - pas de carte
Il suffit de marcher encore un peu, vers la forêt, sur la gauche

La température baisse brutalement, le silence t'accueille
Tu te souviens de l'année où des loups venus du Portugal
Ont dévoré un enfant qui jouait à cache-cache, un soir

C'était presque en ville, c'était à Seixalvo, en banlieue
Près de l'arrêt du bus, un petit corps désarticulé
Le seul endroit où on ait vu le loup, c'est ici, là où tu te tiens

Le sentier monte, se couvre de rochers, de fougères
Une odeur d'eau fraîche, prends une poignée de mousse, bois,
La tête de l'Indien apparaîtra sous peu, tu pourras l'escalader

De là-haut on voit toute la région, à gauche, à droite, une ligne bleue
À tes pied, le monastère de San Pedro de las Rocas
L'alignement des tombes creusées dans le roc

Le soleil a déjà quitté la scène, le monastère est à toi
Dieu a abandonné la terre, voici les cris nocturnes
Tu es sur leur royaume: fouineurs, fouisseurs, proies, terreurs

C'est ici que tu comprends, crois comprendre, que t'effleure
Une intuition: le monde est vaste, profond, invisible
Tu te promène au bord d'un gigantesque gouffre

Il s'agit de tout cela, le lait, les conserves de poisson,
Les villages, les vieux, ce qui t'a amené dans un endroit perdu
Un jour qui se termine, une nuit, et encore un autre jour, sans fin

Le plus étrange, maintenant que l'aube éloigne tes fantômes,
Est que ce gouffre n'a ni bord, ni fond, ni profondeur
Il est juste une idée qui t'aideras à te souvenir de cette nuit.

mardi 13 juillet 2010

Au pied du figuier, lui


Je pense souvent à cet homme qui lave une tablette
Elle faite de bois, un bois dur, sec, poli par les vents
L'homme la lave soigneusement au lever du soleil

Cette planche étroite est la seule page qu'il ait pour écrire
Les bribes de souvenirs, les conversations avec les fantômes
Le souffle chaud du désert, la vie secrète de ses habitants

Il écrit avec un mélange de cendres, d'eau, de terre
Les caractères noirs hésitent sur les lignes horizontales
Ils dansent avec les pensée de cet homme

Tous les jours une nouvelle histoire remplace la précédente
Elles ne meurent pas, les enfants les apprennent
Et s'en vont raconter les dernières visions du vieux

Parfois, pour de la farine, pour du thé
Le vieux écrit quelques versets coraniques
Et fait boire de cette eau-là aux malades

Il est au pied du figuier, regarde au loin les camions
Remplis d'armes, de semeurs de morts et de justiciers
Remplis de fuyants qui verront la mer mais pas l'Europe

Je pense à cet homme parce que je vis dans sa mémoire
Il m'a écris ma vie un jour et je m'efforce de la suivre
D'être fidèle à mon créateur, d'accepter un monde absurde

Plutôt que d'être le jouet d'un dieu inutile, vide et mort,
Je préfère m'imaginer l'essai qu'eût un vieil homme perdu
D'imaginer, pour un jour seulement, un monde autre que le sien.

lundi 12 juillet 2010

Jusqu'à quand?


Voir tous ces visages et apprendre leur histoire
Ceux qui marchent à petits pas, pliés
Par l'humiliation quotidienne, ils n'ont plus qu'un chemin

La bouteille, quand t'as assez de pièces dans la main
Ou les sachets que tu déchires si tu t'es suffisamment battu
Et je lis tes yeux comme un livre fané

Tu marche à petits pas, anonyme, n'apercevant plus rien
Je te vois parfois happé, ou presque, par une voiture
Par un quelqu'un qui existe, qui croit rendre service (à qui? à moi?)

Je ne peut m'empêcher de te regarder
Mais nos regards se croisent, je pue la panique
Tu feras semblant que je ne t'ai pas vu, que tu n'espérais rien

Tu n'est plus qu'un sac, deux trous par où entre et sors la nourriture
Une outre flasque, vide, fripée, une tâche, une gêne, tu n'as plus de dents
Et t'exhibe devant la jeunesse carnassière des miroirs brillants

Tu n'es pas plus obscène que ceux après qui nous courrons
Mais tu n'as pas appris à aimer te détacher, tu cours aussi
Et c'est cela même qui fait de toi un déchet obscène

Tous vers de beaux lendemains, qui chantent, mais qu'il est loin le chiffon rouge
Qu'elle est loin la fierté de n'être que parmi les sans-rien
Le clonage est possible? Oui. Tous les jours, à rejoindre les démons

Voir tous ces visages et peut-être y lire une histoire
Autre, une histoire vraie, loin de toutes ces illusions
Te voir comme tu es, t'aimer parce que nous sommes les mêmes

J'ai tellement peur d'ouvrir les yeux.

samedi 10 juillet 2010

La valse de Camille Claudel


J'avais hésité, j'ai toujours hésité
A dire, à agir, à être parfois
J'avais hésité et elle ne le saurait jamais

Ni elle, ni elles - mais pourquoi pas?
Le soleil suit sa course seul et sans âme
Il est une étoile parmi tant d'autres

Tu lui donnes un nom et c'est comme
Si il existait vraiment, différent,
Comme si cette étoile devenait un dieu

Je préfère la compagnie de la lune
Qui hésite, mois après mois, année après année
Entre la grandeur et l'effacement

Elle non plus ne nous connaît pas
Qui reste liée à sa soeur, sans la voir,
Que sa soeur emprisonne sans la savoir

Et tous nous valsons d'une danse douce et terrifiante
Je passe ma vie à t'éviter, tu passes la tienne à vivre
En évitant des choses différentes.

Mais nous dansons.

jeudi 8 juillet 2010

Ce pays

Il y a quelques années, ou plus, des troupeaux de géants en route vers Thulé, accompagnés de leurs chiens immenses, s’arrêtèrent au bord d’une rivière de ce pays. Ils avaient marché longtemps désiraient se reposer, s’endormir. Les siècles passent et ils dorment encore, leurs chiens sont rentrés à Thulé seuls, n’y ont rien trouvé et parcourent la terre. Les géants ensommeillés se sont couverts de lichens, de buissons, d’arbres, de neige.

Plus tard sont arrivés les hommes, les loups, les charrues. Des paysans, des forgerons, des bâtisseurs. Tu tailles une pierre pour tuer un animal, tu tailles une pierre, puis une autre et voilà ta maison, le feu, les chèvres. Le village. La mémoire, les contes du soir.

Les saisons passent, les hommes passent, les langues, les chefs, les ducs, les rois et même la république, et les géants qui dorment toujours. On oublie des noms, on en invente d’autres – mais de là où je me tiens, c’est-à-dire d’ici, cela n’a pas vraiment d’importance. J’aime poser ma main sur les géants, écouter leur souffle ténu, si ténu.

J’aime regarder dériver sans buts des chiens immenses. J’aime dire “nuages” et trouver un nom pour chacun d’entre eux. J’aime ces géants qui sont les racines d’un arbre que j’appelle “ciel”. J’aime ces feux qui brillent dans l’obscurité, qui sont les feuilles argentées de notre arbre commun, j’aime leur trouver un nom à chacune et les appeler “étoile”.

De ce pays, finalement, importe peu le nom. Le tien est plus beau.

Une île

Je repense au vent dans les branches.
À ces douces fluctuations de son dans les feuilles.

Je le réinvente, j'émerge des souvenirs.

Il fallait traverser la forêt.
Une forêt artificielle, domestiquée
Comme les étangs et les ruisseaux
Les brochets lâchés au bon vouloir
De quelques pècheurs cardiaques.
Des oncles qui parlaient de terre,
La grand-mère qui parlait de la guerre.

Pour échapper à l'ennui il me suffisait de traverser le fleuve.
Ses méandres, son eau triste et paresseuse qui ne va plus nulle part.
Les champs inondés, les vaches sales, hébétées de piqûres.
Les fourmis prises dans la sève des pins
Les hirondelles qui écrivaient leur partition sur les câbles électriques
La chatte qui allait cacher ses petits dans les bottes de pailles
Les fous qui s'échappaient de l'asile le temps d'un après-midi.

L'hiver, c'était la course sur l'étang gelé
Il arrivait que la glace cède, que je rentre miraculé
Il arrivait que je maudisse dieu des bises froides
Qu'il faisait rouler sur moi quand je me perdais.

Et pendant ce temps, toujours,
Le vent dans les branches.
Je l'ai entendu un jour, sur une île basse et rude,
Il soufflait sur un arbre unique, improbable, mais il soufflait.

Les histoires

Je suis riche de toutes les histoires qui vivent en moi

Elles sont les graines que je sème dans notre jardin
Et poussent d'étranges plantes, qui s'animent
Et se crée mon univers, désordonné, vivant

Elles sont la mer qui porte ma barque
Elles sont le vent qui dessine les vagues
Elles sont le ventre de gouffres insensés

Elles s'enfantent dans le silence, dans le perdu
Dans la marche d'une journée écrasée de chaleur
Dans ces moments où tu balances, balances

Elles cherchent leur chemin à travers d'autres routes
D'autres pays dont nous savons le nom, sans le vouloir
Elles s'oublient dans les brumes de l'inconscience

Je suis riche de ton sourire quand tu me lis

En ce moment, maintenant, tu me souris
Et ce sourire béni ma journée
Et je t'en remercie

Je ne suis pas vraiment riche de toutes ces histoires
Mais parfois j'aime croire que j'y crois, ou faire semblant
Et sentir peut-être la bonté de ton sourire sur mon épaule.

Je les ai croisés un jour

Ces deux-là aiment à passer du temps ensemble
Pas beaucoup, non, ils ne se connaissent pas trop
Mais il y a une forme de parenté entre eux

Ils ne se connaissent pas trop et pourtant
C'est un peu comme s'ils s'étaient reconnus
Leur gestes sont mesurés, sages, méfiants

Ils marchent dans la ville, le soir parfois
Pas par romantisme, ils regardent trop en dedans
Simplement parce qu'on s'écoute mieux le soir

Ils ont des mots doux, ils font attention
A essayer de parler sans blesser l'autre
Ni se blesser à la souffrance de l'autre

C'est étrange, une sensibilité mêlée à la hâte
De vouloir se montrer, de vouloir comprendre
Écouter l'autre pour peut-être se comprendre soi

Je les regardais s'éviter avec pudeur
Et je regardais leur ombre se toucher délicatement
Leur ombre peut-être plus vivante qu'eux-même.

Double trouble

J'ai touché mon reflet ce matin,
Il me semblait être légèrement
Presque différent de moi-même

Le miroir jauni était visqueux
Élastique, il résistait à la pression
Mais un trou se creuse, s'élargit

De la main, du bras, du corps enfin
Je passe de l'autre côté du miroir
A l'affût de monstres fantastiques

Il me semble que ce monde-là est pareil
Que j'ai changé de place avec mon double
Qui me regarde maintenant d'ici (de chez moi)

Ce monde-là est un peu plus moite
Les herbes ont envahi les rues
Les chiens et les gens errent sans but

J'essaie de parler mais le silence dense
Étouffe les sons, et pourquoi parler?
Tous ici sommes l'ombre de notre monde

Loin au-dessus, parmi les nuages couleur d'encre
D'immenses navires sillonnent le ciel, lentement
Tendent des filets qui pêchent les albatros

Tandis que mon double décrit ici sa vie, dans le monde de là
Moi, qui n'écris rien mais qui vit sa vie en ce moment
Je recherche une glace, un miroir, un endroit où poser ma main

Tandis que mon double s'émerveille de cette vie-ci
Qui pour moi n'est rien d'autre que ce qui est,
Je m'émerveille d'un monde où nous tombons vers le ciel

Demain nous nous retrouverons devant le miroir
Une fois de plus, la curiosité nous poussera
Dans les bras l'un de l'autre, et nous confondra.

Pensée (la fleur)

Monsieur chat dort sur mes genoux,
Monsieur chat au bord du monde,
Monsieur chat dort, mais c'est moi qui rêve

Perché sur l'épaule de la terre

La nuit dernière, l'ange et moi nous causions
De nos vies respectives, de nos rêves
Enchaînés l'un à l'autre, comme deux prisonniers

Lui sur mon épaule, qui me parlait de mes femmes
Moi sous lui, lui parlant de la terre qui nous porte
Lui et moi dans la nostalgie d'une île

Il me jouait un air au piano que je ne connaissais pas
Une mélodie douce, ténue comme un cheveu d'ange
Elle accompagnait la course de la lune et de ses soeurs

Je lui demande si les anges se parlent
Si quand je te parle, lui et l'autre aussi
Si leur mots à eux sont invisibles

Il me réponds que les anges n'existent pas
Que je suis en train de rêver
Qu'il ne fait que respecter le songe de son maître

Pourtant, sous un certain angle, parfois
Je crois voir une ombre perchée sur mon ombre
Un étrange oiseau sans aile et bienveillant

Dinstinguer le rêve de la réalité
Voir un ange qui n'existe pas
Bavarder avec ce vieil ami?

Parfois je me vois comme la terre qui me porte
Sait-elle aussi qu'un ange se perche sur son épaule
Qu'il tente de veiller sur elle, même s'il n'existe pas?